Xay, le néo-fermier qui cultivait sa liberté

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Xay au jardin au petit matin – prépare le petit-dèj avec un ami – football – joue de la guitare – observe les étoiles

Xay est un jeune fermier laotien chez qui j’ai séjourné pour du volontariat. Dans le nord du Laos, entre la jungle qui recouvre la montagne et la rivière Nam Ou, il a construit il y a peu sa maison, sur les terres de sa famille. Il a commencé son aventure agricole sur sa ferme appelé Yensabaï, du nom d’une chanson populaire laotienne qui décrit la joie de la vie de la ferme. Depuis toujours, sa famille cultivait la terre dans ce village. Mais son père avait décidé de tenter l’aventure en ville et depuis, les terres étaient restées à l’abandon. C’est donc avec fierté que lui, l’aîné d’une fratrie de 8 enfants, continue l’histoire familiale.

Un voisin lui demande de le suivre. Il y a de nombreuses années, il avait repiqué des plants de café de la plantation du grand-père de Xay. Le visage de Xay s’illumine en voyant tous ces grains rouges sur le caféier. Des grains qui ont beaucoup de sens pour lui puisqu’il va pouvoir cultiver son café. Le café de la famille !

Après une jeunesse faite de succès professionnels et de nombreuses fêtes arrosées, un déclic. Il décide de changer. Des lectures, Osho notamment, un guru indien, et un mois comme moine bouddhiste (il est très courant pour les laotiens de devenir à un moment dans leur vie, pendant une semaine à plusieurs années, un moine) l’ont conduit vers une vie de famille plus rangée à Taïwan avec un petit garçon.

Il commence bien un petit jardin à Taïwan, mais il ne se sent pas chez lui. La ville l’épuise. Il construit petit à petit le projet de revenir dans son village natal et y reprendre la ferme. Un choix difficile. Il laisse derrière lui son fils qui lui manque terriblement. Il espère qu’il pourra le rejoindre bientôt.

Cet endroit isolé, au milieu des montagnes, accessible uniquement à pieds à 10 minutes du village, reprend vie. Pas de signal téléphonique. L’électricité est fournie par une installation de panneau solaire et de batterie. L’eau vient de la rivière. Le strict minimum. Vivre en autonomie, avec la nourriture du jardin. Pas de facture à payer ni d’appel du banquier. L’horloge est tombée en panne. Pour Xay, c’est la liberté.

Xay dort sous la tente. Il préfère, pour contempler les étoiles et être au plus près de son jardin au cas où les vaches décident de s’infiltrer pour grignoter les jeunes pousses. Et puis c’est plus simple aussi. Pas de moustiquaire à installer. Au plus près de la nature.

Toujours pieds-nus. Au contact avec la terre. Il explique qu’il lui a fallu au moins 3 mois pour réhabituer ses pieds. Il apprend son nouveau métier de tout son corps. Il inspecte ses mains. Elles ont changé elles-aussi. Noires, rugueuses. Il en rit. Bientôt, il n’aura plus besoin d’éponge pour se laver.

Hormis les quelques séjours de volontaires ou de la famille, Xay est souvent seul. Il met sa solitude au profit de la musique. Il a débuté récemment la guitare avec des chansons laotiennes ou thaïes. Il chante avec le cœur de sa voix un peu nasillarde.

Xay a su acquérir beaucoup de sagesse. Il écoute, attentif, recueille modestement les conseils. Son magnifique jardin, dans un « style aléatoire » comme il aime le décrire, force le respect. Sa détermination à avancer à contre-courant également… Il profite de la quiétude de l’aube pour réfléchir, remuer la terre, observer la nature. Au son du cocorico matinal, il teste, il apprend.

Il aimerait contribuer davantage à changer les choses. Mais il sait que tout prendra beaucoup de temps. Il a pour projet de créer une fondation pour aider son village. Une meilleure éducation, l’accès aux soins notamment. Il aimerait aussi que les fermiers arrêtent de couper la forêt pour y cultiver du riz sur brulis. Qu’ils se mettent à cultiver des légumes, et cessent de décimer les derniers animaux sauvages qu’ils chassent dans la forêt. Tout cela prendra du temps. Il le sait. En attendant, il s’efforce de montrer qu’on peut faire les choses autrement. Il cultive les légumes qu’il aime manger. Les citrouilles ont la place la plus haute sur le podium. Suivies de prêt par les piments et les aubergines. Il s’essaie à l’élevage de poissons-chats, de poulets et de grenouilles. Beaucoup de fleurs aussi, pour faire venir les abeilles. Dans le futur, des ruches. Bientôt, son propre tabac qui provient de l’autre côté de la rivière. Un autre fermier est d’accord pour lui donner des plants de tabac. L’autonomie.

Beaucoup de fleurs aussi, pour les papillons, la beauté, l’art. Son œuvre d’art à lui est son jardin et sa ferme. Dans sa maison, les citrouilles sont suspendues comme des notes de musique, des fleurs orange joliement disposées sur les tables. Xay sait créer l’harmonie autour de lui.

Ce néo-fermier aime être avec les autres. En particulier avec les enfants. Chaque soir, les garçons du village débarquent pour une partie de foot endiablée. Les rires aux éclats et les talonnettes aux pieds-nus fusent. Ça crie, ça rit. Happy.

Certains ne le comprennent pas, le jugent fou de s’isoler. A 36 ans, Xay poursuit son rêve de liberté, avec ses doutes, ses étoiles dans les yeux et ses merveilleux instants.

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