En randonnée dans le parc naturel de Cat Ba – musique de Trang dans son téléphone – représentation des services publics – Trang chante dans la chorale
Trang est une jeune femme qui gère avec son mari une petite auberge dans laquelle j’ai séjourné. Elle se situe sur l’île de Cat Ba, dans la baie d’Ha Long au nord du Vietnam. Un petit paradis pour qui sait l’apprécier. Trang est une femme énergique. Elle aime bouger, a besoin d’être active. D’ailleurs, le matin, elle est professeur de sport et de biologie au collège. Lorsqu’il n’y a pas de client dans son auberge, elle commence même sa journée à 5h30 avec de la musique à fond pour une demi-heure d’aérobic. A fond, toujours.
L’après-midi et le soir, elle aide son mari chef cuisiner à l’auberge. Elle aime passer du temps avec les étrangers de passage. Elle rit beaucoup avec eux. Elle voyage un peu comme ça. Elle a appris les bases d’anglais à l’université. Mais surtout dernièrement, c’est avec des vidéos sur internet et en assistant discrètement aux cours de ses collègues professeurs d’anglais qu’elle progresse. Elle aimerait voyager et voir le monde. Ça oui, ça la fait rêver.
Trang a deux enfants : une grande fille de 6 ans et un petit de 3 ans. Elle surnomme la première Sweet Potato (patate douce), le nom de l’auberge, et le deuxième Corn (maïs), du nom de ses envies respectives de femme enceinte. De l’énergie, elle doit en garder beaucoup pour ses enfants. Le dernier est une petite boule d’énergie qui réclame beaucoup d’attention. Sweet Potato demande un autre genre de présence. Elle souffre d’une paralysie de ses jambes. Elle ne peut pas marcher et ne peut pas aller à l’école. Trang et son mari se sont rendu compte très tardivement de son handicap. Une fois par mois, Trang prend sa fille sur son dos et se rend à l’hôpital de Haiphong, la capitale régionale, à une heure de chez eux. Elle apprend les gestes de rééducation et fait faire les exercices quotidiens à sa petite fille. Cette Sweet Potato est une leçon de vie. Le rire toujours au bord des lèvres, la joie continuellement sur son visage.
Sa façon, à Trang, de tenir la barre pour sa famille, est de s’imposer une vie bien remplie. Elle nous dévoile les secrets de son île adoptive (il s’agit en réalité de l’île de son mari). A scooter, elle traverse son rocher de long en large. Passage par les grottes et ses stalactites qu’elle semble redécouvrir avec des yeux d’enfant. Les rochers karstiques qui sortent de l’eau au loin dans la mer. Trang est une fille de la mer. Elle est originaire d’une autre île de la baie d’Ha Long, plus au nord, près de la Chine. Elle a baigné dans un environnement de pêcheurs.
Pause chez l’oncle de son mari qui élève une race unique de poulets, dans les terres, au centre de l’île de Cat Ba. Elle prépare un repas rapide avec des coquillages. Au feu de bois, elle préfère.
Fille de la mer, fille du feu et fille du vent. Au point le plus haut de l’île, après avoir escaladé le chemin escarpé de la montagne, elle savoure le vent qui souffle sur son visage. C’est son endroit préféré sur l’île. Elle s’évade.
Ce soir, Trang s’habille d’un pantalon noir et d’une tunique vietnamienne bleue nuit. Les cheveux détachés, un peu de maquillage, elle est séduisante. Ça la change de ses tenues de sport. Elle se rend à une représentation des services publiques. Avec ses collègues professeurs, ils ont préparé une chanson et une chorégraphie. Elle a dû apprendre, un peu à contre cœur la chanson. Une chanson communiste. Elle préfère les chansons romantiques ou très modernes. Pour cette représentation, sont imposées les vieilles chansons en l’honneur du parti, d’Ho Chi Minh, et du peuple. Elle se fera toute petite dans la chorale. Trang est fière de m’expliquer qu’elle est membre du parti communiste depuis 2 ans. Elle est étonnée d’apprendre qu’en Europe, il n’y a pas un, mais des dizaines de partis. Pour elle, être membre du parti signifie être exemplaire, représenter le droit chemin et servir de guide pour les autres. Cette idée lui plaît beaucoup. D’autres aspects du parti lui plaisent un peu moins : à différents échelons, local comme national, certains agissent pour leur intérêt personnel. Elle rentre chez elle après la représentation, le drapeau marxiste à la main.
Une courte nuit de sommeil l’attend avant une nouvelle journée bien chargée.