Saraa, l’ambitieuse qui aimait les fleurs

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Dans la voiture – Saraa chante avec son fils – à la community house – chez la dame à la poule

J’ai passé une semaine chez Saraa à Mörön, une petite ville de 30 000 habitants au nord-ouest de la Mongolie. Je faisais partie des volontaires que Saraa accueille pour l’aider dans la réalisation de ses projets. Des idées et des projets, Saraa en a des dizaines et il en fleurit de nouveaux chaque jour. Saraa veut faire évoluer sa communauté vers plus d’éducation, une meilleure hygiène, de l’autonomie alimentaire, plus d’entraide, de respect de la nature. Dans cette région sèche aux températures extrêmes où il n’y a pas l’eau courante, où beaucoup de gens vivent sans travail ni ressources (principalement parce que des hivers particulièrement durs ont réduit à néant leurs bétails), où beaucoup de femmes se retrouvent seules avec leurs enfants (l’alcool fait beaucoup de dégâts), où l’on ne sait pas cultiver un jardin (ce sont traditionnellement des nomades), où les déchets commencent à s’entasser, il y a beaucoup à faire. Saraa fait le rêve ambitieux d’un centre où les gens de sa communauté pourraient venir pour se faire soigner, y trouver une librairie, des ateliers pour apprendre à jardiner, une salle pour se réunir et monter des projets ensemble.

Pour réaliser son rêve, Saraa est sur tous les fronts. C’est une femme occupée, tout le temps le téléphone à l’oreille. Elle est sollicitée de toute part, mais cela ne la stresse pas. Elle finit toujours par arriver, tôt ou tard. Saraa travaille pour la ville comme assistante sociale. Elle a aussi exercé son métier dans la prison de Mörön par le passé. Elle a même été puéricultrice. Aujourd’hui, elle aide les familles les plus démunies dans leurs démarches administratives et la recherche de solutions pour leur quotidien difficile. En parallèle de cela, elle gère sa guest house et organise à distance des excursions. Saraa a aussi porté la casquette de guide touristique avant. Elle est née près du lac Khovsgol à une centaine de kilomètres de là, destination prisée des touristes Mongols comme des étrangers. Elle connait cette région par cœur et dispose d’un grand réseau. Tout le monde la connaît. Un coup de fil et elle trouve un chauffeur, un guide ou une moto. Un autre coup de fil et elle arrange des formalités pour les touristes. Saraa est une femme tournée vers l’extérieur qui aime raconter, échanger, communiquer. C’est pourquoi elle s’est dirigée vers la linguistique à l’école et a appris le russe. Mais c’est seulement à 35 ans qu’elle s’est mise à apprendre l’anglais, une compétence rare en Mongolie qui lui ouvre aujourd’hui beaucoup de portes. Saraa chapote par ailleurs plusieurs groupes de femmes. L’un d’entre eux les amène à valoriser leur savoir-faire pour mettre en place un artisanat local rémunérateur. Un autre de ses groupes fonctionne comme une banque alternative où les femmes se prêtent de l’argent entre elles pour mener à bien des projets. « J’aime donner, surtout à ces personnes qui ont envie de s’en sortir. Je veux les aider autant que je peux. Moi j’ai l’énergie. Et je sais que tout ce que tu donnes, ça reviendra un jour. C’est une boucle.»

En attendant le centre dont elle rêve, c’est chez elle, dans sa cuisine-salle commune qui donne sur la rue que tout le monde se côtoie : sa famille, les femmes, les volontaires étrangers, les touristes, les chauffeurs, les mécaniciens, les voisins et les enfants du quartier qui viennent tous les matins en cours d’anglais animés par les volontaires… Un joyeux bordel ! Et ça lui plaît ! Une maison ouverte à tous. Elle a pris soin de semer des fleurs un peu partout dans sa cour. Elle adore les fleurs Saraa.

Dans cette légèreté ambiante, Saraa n’en est pas moins une femme qui sait se battre. Les obstacles ne lui font pas peur. Elle raconte en riant comment elle est allée trois fois au tribunal et a eu gain de cause. Selon elle, le travail qu’elle fait auprès des plus démunis ne plaît pas aux autorités qui préfèrent une population pauvre et ignorante, plus facile à manipuler. Alors ils lui mettent des bâtons dans les roues, et l’attaquent pour des procédures non respectées. « Moi, je suis toujours relax, les choses passent… ». Assise sur un banc devant la salle commune, Saraa la gourmande s’accorde un moment de répit avec quelques gâteaux et un thé. Saraa se bat aussi pour son deuxième fils qui a une tumeur au cerveau. Aucun médecin ne peut l’opérer en Mongolie. Elle active inlassablement son réseau sur la toile. Elle espère trouver rapidement un chirurgien européen qui accepterait de l’aider. A bon entendeur ! Là encore, Saraa reste zen. Résilience.

Et cette énergie, d’où elle là tient ? « De là où je suis née. Je suis une force de la nature et toute ma famille est comme ça. »

Dans la voiture qui nous emmène rendre visite à une famille sans ressource qui voudrait mettre en place un petit business pour vendre des œufs, Saraa chante avec son plus jeune fils. Sa bonne humeur est aussi ancrée que sa capacité à rechercher des solutions.

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Une réflexion au sujet de « Saraa, l’ambitieuse qui aimait les fleurs »

  1. Namaste Priscilla,
    Le texte et tes photos …. tout cela me ramène à notre rencontre à tous. Sara une personne qui ne laisse pas indifférente, des volontaires aux grands cœurs, des femmes et des hommes aux grands cœurs.
    Je reviendrais en Mongolie, je reviendrais à Mürün, je reviendrais chez Sara, mon départ a été trop brusque ….
    Tout mon Amour Priscilla.

    Aimé par 1 personne

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