Naraa, la modeste disciple qui osa devenir une star

Deeldar’s cafe – conversations – arrivée de clients – une cliente tapote son bébé dans le dos

J’ai rencontré Naraa en Mongolie, à Oulan Bator, dans un restaurant qui avait attiré mon attention pour être végétarien. Dans le pays du mouton, c’est plutôt atypique. Naraa est mongole et a toujours vécu dans cette capitale. C’est une citadine.

Naraa a un visage très paisible et une voix toute douce. Elle nous installe à table et nous propose le menu. Naraa, malgré son âge, « travaille » dans ce restaurant. Officiellement, elle est en retraite. Elle a exercé toute sa vie le métier de professeur de russe auprès des enfants mongols. Elle a appris le russe à l’université à Irkoutsk, à l’époque où la Mongolie était sous le joug soviétique. La façon dont elle en parle indique qu’elle aimait beaucoup son métier, le contact avec les enfants. Elle a même enseigné le russe en Chine pendant une année. Modestement, elle dit avoir beaucoup oublié cette langue par manque de pratique. Elle adore les langues et me parle tout de même dans un très bon anglais, ce qui reste être assez rare en Mongolie en dehors des pros du tourisme.

Dans ce restaurant, deux murs rouges. L’un avec une série de peintures sur le thème de l’harmonie. L’autre qui lui fait face présente des photos d’un homme en compagnie de personnalités du monde : Nelson Mandela, Lady Diana, Sœur Theresa, Mohammed Ali, Carl Lewis… J’engage la conversation : cela ne doit pas être très facile d’être végétarien ici. Effectivement, ce n’est pas dans la culture mongole. Qu’est-ce qui la pousse donc à faire ce choix ? Et elle de m’expliquer qu’elle est depuis 4 ans une disciple du leader spirituel indien Sri Chinmoy, l’homme sur les photos et auteur des peintures. Ce lieu lui est dédié et elle adore s’installer face à ses photos.  Il a développé toute une école de pensée autour de la méditation, la pratique des arts et du sport, la paix dans le monde… et l’alimentation végétarienne en fait partie. En tant que disciple, elle étudie et approfondit notamment sa pratique de la méditation. C’est pour contribuer, servir la cause de Sri Chinmoy qu’elle aide ici la chef du restaurant. Elle prend son rôle très au sérieux.

Elle est assise là et son visage dégage une grande sérénité. Elle semble surprise que je m’intéresse à elle, mais accueille notre échange avec douceur, totalement désintéressée. Au jeu des questions, elle s’autorise à m’en poser quelques-unes. Elle écoute attentivement mes réponses en silence.

Naraa a cinq filles dont deux dentistes en Allemagne, une rénovatrice d’art au Laos et deux autres à Oulan-Bator, dont une ingénieure et une architecte. Des carrières brillantes dont elle est fière. La dernière se trouve actuellement en Australie et accomplie une course-relais pour la paix initiée par Sri Chinmoy.

C’est cette dernière qui l’a amenée à ce courant de pensée suite à une expérience « extra-humaine ». Naraa baisse la voix sur le ton de la confidence. Une nuit, sa fille a eu une vision qui l’a traumatisée… La médecine n’a rien pu y faire. C’est l’enseignement de Sri Chinmoy qui l’a aidé à s’en sortir.

Naraa aime voyager. Elle compte sur ses doigts : depuis que le pays est démocratique, elle est allée en Russie et en Chine bien sûr, mais aussi au Laos et en Thaïlande. Elle aimerait bien venir en Europe au moment de Noël.

Est-ce que je peux revenir la photographier demain ? Gênée : Ooooh, pourquoi je voudrais la photographier, elle ne se trouve pas assez jolie pour être modèle.

Je la retrouve comme convenu au rendez-vous pour aller se promener. Elle s’est apprêtée un peu plus pour l’occasion. Elle prend son nouveau rôle de star très au sérieux. Ça l’amuse finalement.