avec ses élèves à l’école d’anglais – chante sa chanson préférée du moment – rires
J’ai rencontré Charly à Jayapura, en Papouasie occidentale. Il assiste à un cours de photographie. Il écoute attentivement le prof mais regrette de ne pas avoir déjà son appareil photo avec lui (il doit économiser pour cela) car il sait qu’il aime apprendre en expérimentant directement. L’apprentissage en soi est un sujet qui le passionne particulièrement. A 27 ans, Charly est professeur d’anglais dans un centre de langue atypique. Les étudiants y entrent comme internes pour une année scolaire. Dans l’enceinte des pièces communes, seul l’anglais est la langue autorisée. Une tirelire se remplit si quelqu’un fait l’erreur de parler indonésien. Les élèves, adolescents et jeunes adultes, n’ont pas besoin de ça pour être appliqués. Charly et les autres professeurs leur communiquent l’envie d’apprendre. Charly a été lui-même élève dans ce centre pendant un an. Après une formation à la pédagogie, il devient à son tour professeur. Sa bible est un gros livre sur la pédagogie de l’enseignement de l’anglais langue étrangère. « Ce que j’aime dans ce livre, c’est qu’il est centré sur l’élève ». Dans son job de professeur, il prend un plaisir immense à chercher les activités qui vont motiver les élèves à apprendre.
Exemple ce mardi de mars : les élèves se sont préparés à jouer les acteurs dans un programme télé fictif. Dans le rôle des célébrités invitées et des présentateurs, les élèves s’éclatent. Charly est épaté de les voir tant impliqués et talentueux. Entre deux groupes d’élèves, il propose une pause musicale. Cette fois, c’est lui qui passe sur le devant de la scène. Un autre professeur l’accompagne à la guitare. Il pousse sa belle voix sur l’une de ses chansons préférées. Il aime chanter Charly. Plusieurs fois par semaine à l’Eglise, il chante aussi. Alors se mettre à nu devant ses élèves, ce n’est pas un problème, même si ça donne quand-même le trac. Le public est différent. Il souffle un bon coup pour se donner l’énergie. Il se lance. Les paroles sont sur son téléphone. Sa voix est un peu tremblotante. Il ferme les yeux. Puis prend de la puissance.
« Parfois, dit-il, les étudiants me posent des questions, et je ne connais pas la réponse. Je leur dis que je trouverai pour le prochain cours. » Ça ne lui fait pas peur de ne pas savoir. C’est autant d’occasion d’apprendre. Même si sa mère est institutrice, il n’avait jamais pensé à être prof avant. Ça lui est tombé dessus comme ça et ça lui plaît. Elle va bientôt partir à la retraite. Elle aimerait qu’il reprenne sa classe. Lui ne veut pas rentrer dans le système de l’enseignement public. Top strict, pas assez focalisé sur les élèves.
Ça le tenterait pourtant bien de retourner sur son île natale, Biak, au nord de la Papouasie Occidentale. Il aimerait bien redécouvrir sa propre culture. Il s’en est pas mal éloigné ces dernières années. Il ne sait même pas parler sa langue locale. Il se rend compte que retourner sur son île après ses études passées à Jayapura, ce serait finalement sortir de sa zone de confort. Pas pour tout de suite. Il a envie de partir explorer le monde d’abord. Il pense à un master de pédagogie d’anglais dans une université en Floride. Ou bien le tourisme ? Non, l’enseignement l’attire davantage. Et c’est ce que tous ses amis lui disent. Il aime particulièrement entendre les différents accents du monde anglophone, ça pourrait être son sujet d’étude.
Direction le mariage d’une autre professeure du centre. Charly se donne un peu de prestance avec sa belle chemise batik rouge. Il regarde avec intérêt les danses et traditions locales. Mais ce mariage, il le trouve un peu trop tape à l’œil. Les cérémonies traditionnelles sont généralement simples et sans chichi. Une partie de la famille du marié est originaire de Biak, comme lui. Il explique la coutume de remettre de grandes assiettes en cadeau à la famille de la mariée en guise de dot. Il cherche les dessins traditionnels sur les assiettes. Les vrais, pas ceux influencés par les japonais. Il se désole de voir que sa culture se perd petit à petit.
Malgré sa nonchalance qui le caractérise, Charly est un sacré blagueur. Il ne perd pas une occasion de déconner, puis de reprendre immédiatement un air sérieux… feint. Avec son ami Yan, ils se sont bien trouvés ses deux-là. Au café ils ricanent gaiement comme des gamins. Surtout ne pas se prendre au sérieux. Il rit aussi parfois en cachant son beau sourire comme pour cacher sa belle personne. La gêne d’un grand timide en fait.